Pour le carnaval, il a choisi le costume de Giacomo Casanova comme on habiterait une légende. A l’abri de son masque de satin, il voit sans être vu. Il cesse de douter de lui et se sent connecté au monde.
Soudain son œil fixe la grange au fond du parc. A travers un carreau cassé, il a perçu un mouvement infime, un léger déplacement de l’air, comme un crissement de souris.
Le tranchant du carreau, incrusté de mousses et de lumière, encadre une forme vaporeuse dont le regard porte une invitation. Elle s’incline, dans un geste d’élégante soumission, vers un personnage noir et fauve.
C’est à ce moment qu’on entendit tomber lourdement sur le sol une canne à pommeau d’argent, faisant jaillir un rire cristallin. Il les avait vues, indifférentes à son trouble, effleurer de leurs mains gantées un objet marqué de deux cœurs.
La forme fauve s’esquive dans un bruissement de soie. Giacomo se penche et ramasse ses éclats de rêves. Il repart suivi de son ombre comme le tapis déroulé de sa vie.
Il le sait pourtant, demain, et après-demain, et tant que la lumière fera flamber la paille, il revêtira le costume qui le rend prisonnier de sa jeunesse.
Carnaval vénitien, mars 2019, parc du château de Sennecey-les-Dijon